Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 26/03/2016 07:59:23
Rubrique : Les références > Dressage : technique, lu 4418 fois. 4 commentaires
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Les longues rênes de la discorde


 

 

Longues rênes en renvoi

 

         L'utilisation des longues rênes en renvoi est un sujet de discussion sensible depuis que le Travail à Pied est devenu discipline à part entière à la FFE.

         attelage.org a  donné la parole aux  3 experts fédéraux , et comme d'habitude je donne aussi mon avis !

 

 Déborah Sokic Richter

 

         a.o : les concours ont débuté cette année et déjà l'on a pu voir sur des épreuves techniques, des présentations de chevaux au travail sur des longues rênes en renvoi. Qu'en pensez vous ?  

         D.S-R: " je suis pour ma part fermement opposée au renvoi lorsque l'on utilise des longues rênes. D'une manière générale le rapport entre la bouche du cheval et la main doit être constant et moelleux. Le fait d'utiliser le renvoi revient à l'utilisation d'un enrênement c'est donc d'un moyen de coercition. Cette coercition entraîne une dégradation de l'arrière main, donc du moteur. Le cheval est tenu dans une attitude non naturelle, il est fléchi dans la contrainte. On sort du travail académique sur un filet simple, en comptant sur la technique artificielle employée. Le renvoi démultiplie l'action de la main et nuit à la locomotion du cheval."

         a.o: certains long-rêneurs disent au contraire que c'est un moyen d'améliorer la locomotion. La rêne extérieure associée à la rêne intérieure en rappel permettrait de mieux maîtriser l'action du postérieur interne…

         D.S-R: "avec le renvoi le long-rêneur se met en position de facilité en démultipliant l'action de la main. Déjà aux longues rênes l'action de la main peut-être rapidement plus forte que dans le travail monté, du fait de la longueur des rênes, du passage dans les anneaux... Le renvoi conduit vers l'action de traction sur la bouche. Le cheval figé dans le bout de devant sort du travail de décontraction car il est maintenu dans une attitude artificielle, on va à l'encontre de l'amélioration de la locomotion."

 

         a.o: que recommandez-vous pour l'utilisation des anneaux du surfaix ?

         D.S-R: " on n'a pas les mêmes objectifs si l'on travaille sur des anneaux bas ou sur des anneaux hauts. Quand on travaille sur les anneaux bas du surfaix, on est dans les longues rênes élémentaires, c'est une mise en place pour habituer le cheval aux longues rênes ou pour faire travailler le long-rêneur. L'utilisation des longues rênes basses permet de décontracter le cheval mais ne permet pas une utilisation technique des longues rênes. Lorsque l'on veut agir sur le cheval il faut placer les longues rênes sur les anneaux du haut pour libérer les hanches du cheval comme si l'on était à cheval. Les longues rênes doivent être séparées de 8 à 10 cm.

         Concernant les surfaix construits avec un ensemble d'anneaux qui vont bien au-dessus du garrot, je n'ai personnellement pas d'expérience avec ce type de matériel. Est ce plutôt utilisé par les gens de l'attelage ? Ça me paraît en tous les cas moins dommageable que l'utilisation des longues rênes en renvoi ! "

         En longues rênes il faut bannir tout moyen de coercition, et interdire l'utilisation du renvoi dans les compétitions, ce qui est contraire est incohérent avec ce que l'on recherche dans le dressage monté. "

 

  Pierre Chapuis

         a.o : parlez nous de la technique du travail aux longues rênes.

         P.C: " le travail aux longues rênes est une source importante d'amélioration du travail de la main, que ce soit celle du cavalier ou du meneur. J'aborde donc le travail aux longues rênes plus dans l'objectif d'amélioration du cavalier ou du meneur que celle du cheval.

         Concernant la question de l'utilisation du renvoi aux longues rênes, je dis non ! Il ne faut pas mettre des artifices dans le travail des chevaux. La première des choses à faire est d'éduquer la main du cavalier ou du meneur. Si le meneur a éduqué sa main il pourra faire travailler son cheval. Il ne faut pas mettre des ficelles pour résoudre des problèmes personnels. Les gens veulent mettre très vite le cheval dans une "attitude". Cette attitude viendra naturellement lorsque le cheval utilisera sa locomotion comme il le faut. C'est comme le travail du cheval monté, comment voulez-vous améliorer vos aides avec des enrênements !

         a.o : un long-rêneur ayant acquis une certaine aisance technique ne pourrait pas non plus utiliser cette technique du renvoi ?

         P.C : "mais non ! si la personne a de l'expérience elle n'a d'autant pas besoin d'un tel artifice. Si la bouche du cheval et la main sont éduquées il y aura la bonne réponse dans la locomotion, et dans le travail à l'épaule. Sur un message envoyé par la rêne extérieure et lorsque le postérieur interne se lève et avance, le meneur adroit laisse passer le mouvement. Mettre un cheval sur un déplacement latéral ou une contre épaule en dedans, c'est de la bi-bine !"

         a.o : les problèmes rencontrés avec un cheval débutant ?

         P.C : "quelques dangers aux longues rênes : l'effet de proximité, coup de pied. Apprendre au cheval à supporter les longues rênes derrière les jarrets. Avec les rênes sur le dos il y a le risque de la toupie. Il faut aussi apprendre à se déplacer avec le cheval. Être dans le bon tempo pour ne pas lui agresser la bouche. Il faut marcher dans le pas du cheval. Ce que l'on appelle le liant chez le cavalier. Le liant on l'a à cheval par les mouvements du corps, à pied on a ce liant en marchant dans le tempo du cheval."

         a.o : la rêne extérieure sur les jarrets n'a-t-elle pas tendance à ramener les hanches vers l'intérieur du cercle, cette rêne extérieure n'a-t-elle pas alors aussi plus de "force".

         P.C : " vous avez raison, il faut simplement savoir à quel stade d'éducation du cheval cette rêne extérieure sur les jarrets doit être utilisée. Cela fait parti de l'éducation de la main du cavalier, c'est l'objectif des premières reprises aux longues rênes."

         a.o : quel niveau pour juger les reprises supérieures aux longues rênes ?

         P.C: " il faut des juges de Dressage pour les reprises techniques mais je crains qu'ils ne soient trop sévères pour les débuts de la discipline. C'est un sujet important, il va falloir former, et s'interroger à savoir comment former les juges des longues rênes."

 

  ANTOINE BANCAUX

 

         a.o : qu'elle est ton avis sur ce travail du cheval aux longues rênes avec renvoi de la rêne intérieure ?

         A.B : " pour moi ce renvoi, donne plus de souplesse entre la rêne intérieure et la rêne extérieure. Le cheval doit normalement avancer sur le contact. Si le cheval n'avance pas sur le contact le long-rêneur va être en difficulté. L'utilisation du renvoi élimine une partie des problèmes. La main interne n'a pas plus de force avec le renvoi. C'est une notion d'équitation moderne, le cheval avance sur le contact. Le renvoi n'est pas fait pour faire céder au plier un cheval mais il permet au cheval d'avancer sur le contact.

         Quand je tourne un cheval à la longe je peux être aussi bien devant que derrière. Si j'écarte ma main intérieure vers l'avant, le cheval va avancer dessus. Ça n'a rien à voir avec une longe avec laquelle on est derrière et où l'on pousse le cheval vers l'avant."

         a.o : tu estimes que traditionnellement on apprend pas au cheval avancer sur son mors ?

         A.B : traditionnellement on apprend pas au cheval à se déplacer latéralement par la rêne extérieure. Cette notion d'avancer sur le contact et sur la rêne extérieure est nouvelle. Lorsque l'on ferme les doigts la main devient impulsive, elle provoque le mouvement des pieds. C'est parce que la main s'adresse aux pieds que le travail de longues rênes devient logique. Si quand je ferme les doigts le cheval s'arrête c'est une catastrophe.

         L'équitation éthologique a mis en évidence que le cheval va à l'opposition du contact. Quand on ferme les doigts sur la droite il va à gauche, ou il recule, ou il se pointe, ou il force le passage. Jamais il ne va à droite. Les longues rênes ce doit être ça, quand on ferme les doigts à droite le cheval doit aller à droite. Cette notion de réactions d'opposition est pour moi très importante. Lors ce que l'on ferme les doigts sur les deux rênes si le cheval va au piaffer c'est une catastrophe car c'est un cheval qui n'avance pas sur le contact. Il va se mettre en petite encolure en abaissant ses hanches. Dans les longues rênes il y a deux choses qu'il faut séparer, il y a d'une part la formation des mains du long-rêneur, d'autre part l'éducation du cheval.

         L'utilisation de la rêne extérieure sur les jarrets du cheval est une aberration. L'utilisation des longues rênes sur les côtés permet au cheval d'apprendre à travailler avec ses épaules."

         a.o : on dit parfois que  le renvoi aux longues rênes est destructeur de la locomotion du cheval.

         A.B : " c'est une conception d'une autre époque! Évidemment si le cheval n'avance pas sur le contact... c'est comme ceux qui prétendent que les rênes allemandes enferment le cheval... les rênes allemandes sont faites pour faire un point fixe bas pour apprendre cheval à avancer dessus, ce n'est pas fait pour faire céder le cheval. Un cheval qui avance sur la rêne extérieure est en grande encolure. C'est souvent l'inverse des chevaux que l'on voit aux longues rênes qui sont en petite encolure parce qu'ils n'avancent pas sur le mors. Les gens qui ne sont pas dans la notion d'un cheval qui avance sur le contact ralentisse un cheval pour le rassembler.

         a.o : pourtant je ne pense pas que les meneurs ou les cavaliers ayant un peu de connaissances cherche le rassembler sur des allures descendantes !

         A.B: " non, non, non, la plupart des chevaux n'ont pas le dos en place. Il n'y a personne pour parler des pieds, faire une opposition des épaules aux hanches pour mettre un dos en place… A partir du moment où le dos et en place et le cheval en auto étirement on change de monde…

         Ce qui justifie le renvoi aux longues rênes, c'est aussi la sécurité. Si le cheval est compliqué on peut le ramener plus facilement autour de soi. Si le cheval tourne autour de moi et avance sur son mors je n'ai pas besoin de chambrière."

         a.o : est-ce normal de trouver une utilisation des longues rênes avec renvoi lors d'une compétition ?

         A.B: " non l'utilisation des longues rênes avec renvoi doit être une utilisation de travail. En compétition les longues rênes doivent être utilisées en rênes directes du surfaix aux mors. Bien sûr il faudrait discuter de tout cela autour d'un cheval, autour d'une table on peut tous savoir raison.

 

         " Je pratique les longues rênes de manière assidue, pour ne pas dire quotidiennement. J'expérimente, je recherche, je m'informe ... J'ai utilisé le renvoi pendant quelques temps. Les débuts sont prometteurs, mais très vite les soupçons apparaissent: le mouvement en avant déjà si difficile à assurer aux longues rênes est contrarié, le cheval est prédisposé à "fuir latéralement", le contrôle du postérieur interne qui nous est vanté par les adeptes de cette technique ne m'a pas apparu évident, le cheval perd de l'amplitude. Mais peut être n'ai je pas assimilé les subtilités de cette technique.

         "Le dos en place" et la tension du dos ... vaste programme qui n'échappe pas "aux jambes à la chambrière et à la voix" ... et l'on peut aussi disserter sur l'aptitude de certaines races et morphologie à conserver cette tension du dos ...   On peut très vite bricoler un travail au rassembler et piaffoter, le cheval peut  y perdre  de la rectitude,  et les épaules en dedans ne pas progresser dans l'amplitude. Le dressage du cheval prend alors un chemin de traverse... Il faudra des juges de Dressage aguerris pour juger les reprises techniques aux longues rênes. En attelage, "dos en place et équilibre"  ne sont pas dans le vocabulaire des observables. C'est dire si un long chemin reste à faire.

         Le renvoi des longues rênes met-il nécessairement le cheval dans une encolure longue  et permet-il à ce dernier de mettre son dos en place? Et le long-rêneur derrière ces chevaux  a-t-il le sentiment  d'améliorer la locomotion de son cheval  ?

 

photos Nadine Toudic

photos internet

Le travail technique aux longues rênes est très difficile et semé d'embuches. Mais ce n'est que mon avis. "  JCG


  Commentaires
-sur cette photo par Tonio (26/03/2016 21:16:37)
le dernier cheval notamment est une caricature:sous lui du devant et le cul en pompe il ya des prealables pour mettreun cheval aux longues rènes et notamment de travailler sa proprioseption comme on devrait le faire lorsqu'on met un cavaler à cheval sachant que les longues rènes ne mettent pas un dos en place
-factuel par JeanClaudeGrognet (27/03/2016 09:08:01)
Peu importe notre connaissance du passé de ce cheval, ni de celui du long-rêneur. C'est le constat d'un mauvais travail et très probablement d'un manque de connaissance. Il se trouve que le long rêneur utilise le renvoi.
-enseignement par Anton (28/03/2016 09:18:05)
n'empêche qu'en tant qu'enseignant on peut se demander si c'est quelque chose à montrer aux élèves pour arriver à ça !
-ça fait plouf ! par JeanClaudeGrognet (09/04/2022 12:00:10)
au final 6 années plus tard les longues rênes ont fait plouf. Sauf pour les centres équestres qui font du " traine c..." avec . Ca fait tourner le business et ça ne fatigue pas les chevaux!