Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 21/02/2009 08:36:08
Rubrique : Les références > Dressage : technique, lu 4851 fois. Pas de commentaires
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De l'achat du cheval au Championnat du Monde... un long chemin (2/5)


 

 

Le chemin est long de la coupe aux lèvres… Il faut en principe, et généralement quelques semaines pour mettre un cheval de selle à l'attelage. Il faudra quelques mois pour qu'un cheval docile et pas très compliqué devienne un cheval d'attelage de loisir.  Il faut un peu plus de temps pour donner des rudiments de menage à une personne déjà habituée aux chevaux. Il faudra 3 ou 4 années de travail pour que le cheval à vocation sportive parvienne à maturité.

Il faudra toute une vie à une cavalier ou un meneur pour acquérir  la Connaissance , la Sagesse, l'Humilité et la Philosophie qui font  " l' Homme de Cheval " . Très  peu y parviennent.

JCG

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par Tjeerd Velstra, Champion du Monde en 1982 à Apeldoorn


Tjeerd Velstra avec des chevaux de la race légère néerlandaise WPN

 

 

         Comme je l’ai déjà dit, je monte beaucoup mes chevaux, et lorsqu’ils sont bien mis sous la selle, je commence par les atteler à un pneu. J’attelle ensuite les chevaux seuls, contrairement au travail des remontes. En les montant, je les ai déjà habitués à ma voix; je ne me sers donc pas seulement de mes jambes comme aide, mais aussi de ma voix; ils ont déjà appris à avancer, à s’arrêter, etc., sur mon ordre.

Les débuts en attelage

         Je mène tout d’abord en forêt; des sorties longues et calmes, au pas et au trot, arrêt, départ, etc., et ceci pendant plusieurs heures et plusieurs jours. De telles courses tranquilles posent peu de problèmes en attelage à un; ceux-ci ne surgissent qu’à partir du moment où l’on se risque sur la carrière ou sur la place où sont exercées les voltes et les tournants. Il est alors fréquent que les chevaux aillent de travers. Comment y remédier? Autrement qu’à cheval, je dois me servir plus "des moins". Les chevaux, ayant été montés, sont fins de bouche et marchent droit. J’utilise un filet pour commencer, et pas d’emblée un mors; le mors et trop puissant, et les chevaux en ont peur.

         On peut, en disposant de doigté, placer les chevaux dans les tournants,  en  se servant d’un fouet très long, c’est à dire un manche allongé avec une courte mèche, qui permet de toucher l’épaule des chevaux doucement et précisément. Les chevaux apprennent ainsi à  bien s’incurver dans les tournants. Un véritable problème se pose lorsqu’ils fuient encore sur l’épaule après un travail soutenu. Si cette faute ne se laisse pas corriger à la longue, le cheval ne convient pas pour le sport d’attelage de haut niveau.

Cheval qui fuit sur l’épaule

         Celui qui possède un cheval qui fuit sur l’épaule sans en avoir de meilleur à disposition doit bien sûr trouver une solution. On peut par exemple fixer au filet une rêne dite Thiedemann, une sorte de rêne coulante qui se fixe aux guides et doit être consciencieusement ajustée. Grâce à cette rêne auxiliaire, il est plus facile d’obtenir des chevaux qu’ils cèdent; une fois qu’ils ont cédé dans la nuque et sont arrondis, les chevaux se laissent mieux placer dans les tournants. La rêne Thiedemann est connue des cavaliers; on peut très bien l’utiliser pour l’attelage, mais elle demande beaucoup de finesse. Elle exige une main douce. Cette rêne auxiliaire ne doit agir qu’au moment où le cheval relève la tête trop haut; dès qu’il est à nouveau en main, son action s’estompe. On ne doit essayer de corriger les chevaux avec la rêne Thiedemann qu’en filet, et pas en mors.


 

Dur de bouche

         Lorsqu’un cheval est trop dur de bouche — il y a des chevaux qui sont durs de bouche par nature — on peut employer un mors; celui-ci doit cependant être recouvert de cuir souple, de caoutchouc ou d’une matière similaire. A mon avis, un mors de métal n’est jamais une bonne chose. Il ne faut pas l’ajuster trop serré non plus; la gourmette doit être fixée légèrement, avec un angle de 45° au moins par rapport à la bouche (au début peut-être un peu plus, au trou supérieur), et il faut en faire usage très précautionneusement.

Langue en dessus du mors

         Un autre problème de taille se pose lorsqu’un cheval passe la langue par dessus le mors. Si un jeune cheval s’y adonne dès le début, il faut immédiatement lui attacher la langue. Un bas de nylon suffit; on peut aussi se servir d’une petite lanière de cuir en vente dans le commerce spécialisé. Le bas est fixé par une boucle légèrement tendue autour de la langue; on fait un noeud sur la langue, et les deux bouts sont noués sous la mâchoire. Il est bien clair qu’il faut agir avec ménagement afin que la langue ne devienne pas bleue. En pratiquant ainsi dès le début, e cheval n’a pas l’occasion d’apprendre à passer la langue en dessus du mors, Il est attelé deux à trois semaines avec la langue attachée, afin qu’il s’habitue à garder la langue sous le mors. C’est alors seulement que la courroie est ôtée, et la langue ne passera plus jamais sur le mors. Mais si le cheval a cette mauvaise habitude depuis trop longtemps, il sera très difficile de la lui faire perdre.


 

Pas médiocre

         Il est fréquent qu’un cheval ait un bon trot, mais un mauvais pas. Comment apprendre aux chevaux à mieux marcher au pas? En les laissant beaucoup marcher au pas et en les travaillant souvent sur les cavalettis. L’utilisation d’un gogue ou d’un chambon, bien connus en équitation, a fait ses preuves. Le gogue correspond à une rêne coulante dirigée vers le haut par une cordelette de nylon qui passe par deux boucles près des oreilles (têtière), pour ensuite redescendre vers l’em bouchure, en traverser les anneaux et longer le poitrail entre les jambes.

         Si la rêne ne revient pas entre les jambes, mais termine sa course à l’embouchure, on l’appelle chambon. Le cheval est d’abord ainsi longé jusqu’à ce qu’il allonge son encolure et marche naturellement et décontracté. Le dos du cheval doit se voûter naturellement. Plus tard, un travail prudent sur les cavalettis est indiqué; le cheval ne devrait cependant jamais galoper équipé d’une telle rêne auxiliaire. Une fois que les chevaux y sont habitués, on peut les atteler avec ces rênes auxiliaires. Un cheval qui avait un pas quelque peu saccadé et portait la tête haute, et s’est maintenant allongé et arrondi, marchera après quelque temps du meilleur pas qu’il peut. Ce travail doit aussi être effectué uniquement en filet et pas en mors, celui-ci ayant une action trop forte.

         Toutes les corrections décrites ici doivent être effectuées attelé seul. Selon moi, un cheval doit tout d’abord aller très bien seul, il doit parfaitement savoir ce qui signifie avancer, s’arrêter et rester immobile. Une fois que le cheval va impeccablement, harnaché normalement, on peut très bien galoper un peu, afin qu’il sache que le galop fait aussi partie du travail.

Attelage à deux

         Une fois que les chevaux vont bien seuls, ils sont attelés à deux, de préférence à côté d’un cheval qui connaît déjà son métier, Il est toujours néfaste d’atteler ensemble deux chevaux inexpérimentés, car l’un va par exemple de la gauche vers la droite, alors que l’autre va de la droite vers la gauche; ils s’entrechoquent donc, prennent peur et s’énervent l’un l’autre. L’idéal est d’avoir un cheval expérimenté et tranquille qui ne fait pas tout le travail tout seul. Aux côtés d’un compagnon qui fait le travail seul, le jeune cheval n’apprend généralement pas à tirer de lui-même. Il doit en plus s’agir d’un cheval qui connaît mes commandements et cesse immédiatement de tirer lorsque je l’exige, afin que le jeune cheval ait à travailler.

         En ajustant les guides et les traits, le jeune cheval est confronté à la même situation qu’attelé seul, mais ceci à côté d’un autre. S’il accepte le deuxième cheval, s’il effectue son travail correctement et marche droit, c’est un bon signe pour son avenir en tant que cheval d’attelage.

Cheval qui s’écarte du timon


         Si le cheval novice va bien aux côtés du routinier, mais s’écarte du timon (il y a des chevaux qui de nature ne s’écartent jamais du timon), il faut immédiatement le changer de place. On l’attelle deux jours à droite, puis deux jours à gauche; on constatera ainsi que les chevaux sont généralement dotés d’un bon et d’un mauvais côté.

         Nombre de chevaux vont mieux à gauche qu’à droite; je ne sais pas pourquoi, mais c’est un fait qui pose un problème supplémentaire, celui de trouver des chevaux «droitiers».
         Ayant constaté que l’un des chevaux va mieux à gauche, bien qu’il s’écarte du timon, on l’attelle la dernière semaine avant le concours à droite, sur le mauvais côté.

Pour le dressage, on le replace à gauche, son bon côté, et il supporte au moins ces dix minutes avec bravoure et reste bien au timon.

 

Attelage à quatre

         Mener à quatre n’est pas deux fois, mais environ dix fois plus difficile. Avec deux chevaux, on a deux guides; lorsqu’on tire à gauche ou à droite, les chevaux tournent à gauche ou à droite. Avec un attelage à quatre, on a quatre guides en main et les problèmes sont multipliés en conséquence. Cela nécessite des chevaux de volée qui marchent en avant, qui sont très calmes et qui s’entendent bien avec le meneur, bref qui sont d’une parfaite obéissance.

         Lorsqu’on attelle les chevaux pour la première fois à quatre, ce ne sont pas deux, mais au moins quatre personnes qui sont nécessaires pour assister le meneur; donc un aide par cheval, afin que dés le début rien ne se fît qui ne fût juste.
Les quatre chevaux s’attellent bien en paire et on les connait bien. On place devant ceux qui ont le moins peur des voitures, de la circulation, de l’eau, etc.; et logiquement au timon les chevaux qui sont un peu plus sur l’oeil et se montrent quelque peu craintifs.

 

 

         Une fois que les timoniers sont à la voiture, on place tranquillement les chevaux de volée droits devant. On enroule de la mousse caoutchouc autour du palonnier, afin que celui-ci ne frappe pas durement les postérieurs en cas d’éventuelle erreur; plus c’est souple et mieux c’est. Une fois que tous les quatre sont attelés et que les guides sont en place, on peut encore fixer une longe à chaque cheval de volée, et la course peut commencer. Les aides marchent d’abord à la tête des chevaux.

         Si les chevaux sont attentifs à la voix et y obéissent, les longes sont décrochées et les aides prennent place. Pendant trois à quatre semaines, on effectue dans la mesure du possible de longs trajets en ligne droite, de préférence en forêt; beaucoup de pas et de trot souple. Les chevaux doivent tout d’abord s’habituer à être menés en ligne droite. Ce n’est qu’une fois qu’ils s’y prêtent sans problèmes qu’on commence avec les tourners à gauche et à droite. Si le travail en dressage débute trop tôt, si on effectue conversion sur conversion, les chevaux ne tardent pas à ne plus marcher en avant du tout et oublient que l’on peut aussi aller en ligne droite.

Tjeerd Velstra In Mémoriam Achenbach 2/1984



 

 


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