Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 19/11/2008 12:23:15
Rubrique : Culture générale, lu 5420 fois. Pas de commentaires
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Le kladruber, une race en mutation.


 

 Etonnant cet article de Norbert Zalis publié en 2/93 dans la revue In memoriam Achenbach! A l'heure où nos haras Nationaux sont remis en cause, le lecteur averti ne manquera pas de relever de surprenantes similitudes avec l'actualité.

En France l’alsacien  Jacky Baur mène  avec succès une paire de kladrubers en épreuves internationales depuis plusieurs années.

 

 Joszsef Leibetseder (Aut), organisateur du CAI d’Altenfelden et éleveur de kladrubers mène un attelage à 4 chevaux de cette race en épreuves internatioinales. Il est membre de l’équipe autrichienne, il a terminé 28 eme au Champiuonnat du monde en 2008 à Beesd.

JCG

 

 

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  Portrait de Generalissimus XXIX né en 1965   

 

 Haras national de Kladrub au bord de l'Elbe

         L'ancien haras impérial, fondé en 1579 par Rodolphe II, a été rebaptisé et se nomme Haras national de Kladrub au bord de l'Elbe depuis le 1er juillet 1992. Avec la jumenterie de Slatian, il doit

assurer la réserve de gènes pour la reproduction des deux couleurs-ty­pes du glorieux carrossier de gala qu'est l'ancien Kladruber.

         Pour la République tchèque, ce haras, qui est très probablement le plus ancien du monde et n'a jamais cessé d'être exploité, fait partie du patrimoine culturel national et même supranational. Son nouveau nom reflète lui aussi que Kladrub appartient à l'argenterie familiale», qui ne peut être pri­vatisée et pour laquelle on veut à priori ex­clure tout abus commercial. C'est dans ce sens que le vice-premier ministre et mini­stre de l'agriculture Lux s'est adressé à plu­sieurs reprises aux téléspectateurs. L'Autri­che a-t-elle sa jumenterie de Piber et l'Alle­magne son Marbach ...?

 

Les grands haras nationaux n'ont survécu que dans les anciens Etats du bloc oriental. Le riche Occident a fermé la plupart des siens à cause du manque de rentabilité. Sous le capitalisme d'Etat du bloc oriental, l'agriculture était considérée comme un domaine stratégique, ce qui explique le flux des subventions accordées. Si une personnalité marquante de la politique était bien disposée envers les chevaux, des sommes énormes pouvaient être maniées, en partie au profit direct des chevaux. Très rarement toutefois l'argent a été utilisé de manière rationnelle, malheureusement. Le socialisme pourrait être défini comme une conspiration des gens médiocres. Rien n'y était tout à fait mauvais, tout y était mé­diocre justement. Ceux qui s'étaient inté­grés dans la chaîne «de l'éloge commun» se procuraient ainsi la satisfaction nécessai­re. Quelqu'un de vraiment bien était à coup sûr le borgne parmi les aveugles. Mais on s'applaudissait vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

 

Hofrat Dr Lehrner menant l’attelage de 4 kladrubers  de J. Kocman 

         Si Kladrub veut survivre en tant qu'entre­prise d'Etat, il doit économiquement se suffire à lui-même. Quelques mesures se­ront indispensables. Pour commencer, son effectif actuel de quelque 530 chevaux doit être réduit à envrion 350, ce qui rend mieux justice aux dimensions du haras. De toute évidence, c'est dans le trop grand troupeau des Sang-chaud que ces réduc­tions doivent avoir lieu. A l'inverse, le trop petit troupeau des anciens Kladrubers blancs doit être doublé. Un petit nombre de juments Sang-chaud doit servir de haras de contrôle. L'élevage dans des conditions semblables permettra d'établir une com­paraison entre la prolificité des juments et le taux de mortalité des poulains pour les deux types de la race. Les résultats seront d'une extrême importance en cas de crain­te de dégénérescence de l'ancien Kladruber.

         L'étendue du haras a été adaptée à l'état après 1918 et on s'est défait de toutes les autres terres. Quelque 630 ha de forêts ont été rendues au haras. On tirera profit de la vente du bois exploité dans les propres fo­rêts, d'où provient aussi le bois pour les clôtures des pâturages et les nombreux chemins forestiers sont réservés à l'entraî­nement sur le terrain des chevaux du ha­ras.

  

à la naissance le jeune a une couleur foncée et de nombreuses particularités- des juments dans l’écurie libre.

        

Si jusqu'ici le haras a pu envoyer des parti­cipants aux nombreux concours hippiques sans devoir craindre les moindres consé­quences, même avec des résultats aussi désastreux que ceux obtenus aux jeux équestres à Stockholm, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La publicité doit avoir un effet catalyseur, elle doit mettre dans le mille.

         Par bonheur, l'attelage international à deux chevaux compte aujourd'hui toute une sé­rie de meneurs à succès qui attellent des anciens Kladrubers. A citer pour commen­cer Johann Wolfmayr avec ses juments blanches, suivi par le meneur de chevaux noirs Eckhardt Meyer et la nouvelle étoi­le au firmament des meneurs Ludger Heeke. Le haras national veut s'efforcer de toujours bien équiper ces messieurs, d'au­tant plus qu'ils sont prêts à accorder leur ai­de aux meneurs du haras.

         L'ancien Kladruber est un cheval qui se prête bien à l'attelage de plusieurs che­vaux. Nous nous attachons à développer un jeune attelage avec quatre étalons blancs, à entraîner les chevaux selon les principes généralement reconnus et avec toute la prudence requise, comme l'a dé­crit par exemple Tjeerd Velstra. Le futur succès dans l'arène internationale ne devrait donc pas se faire attendre.

Sacramoso, un poulain exceptionnel

         Le fait est que les anciens protégés ne se déclarent pas vaincus si vite. Mais les résul­tats ne trompent pas: en 1978, les Tchè­ques dont deux attelages à quatre de Kladrub ont dû passer la médaille de bronze qui leur avait été remise par erreur aux Anglais. A Stockholm en 1990, les mêmes meneurs dans le fond se sont pla­cés au 14ème rang sur 14 équipes nationa­les avec des chevaux complètement épuisés. A cause du manque d'entraîne­ment? Quoi qu'il en soit, une bonne raison d'introduire des changements fondamen­taux.

         Kladrub et ses chevaux jouissent d'une bonne vieille réputation à laquelle il s'agit de rendre à nouveau justice. Les moyens à employer sont souvent douloureux et loin d'être simples. Mais le haras a survécu à plus de quatre centenaires de faveurs et de défaveurs. Le pire héritage du socialisme est la dévastation morale et intellectuelle de l'être humain. Heureusement, il y a aus­si ceux qui, dans les temps difficiles que nous vivons, ne se demandent pas ce que le haras peut faire pour eux mais au con­traire: qu'est-ce que moi je peux faire pour le haras?

         Même si, suite à la restructuration de l'éle­vage des chevaux, la plupart des haras na­tionaux tchèques et aussi polonais doivent lutter pour leur simple survie et sont souv­ent vendus parce que les perspectives manquent, Kladrub restera, et avec lui Ja-nôw Podlaski. Car ici, le cheval n'est pas seul en cause, il y va aussi de la culture.

Photos: Dr Norbert Zalis

 

 

 

en cliquant sur cette photo vous verrez le Kladruber en action

 

Le cheval de Kladruby Par Jaroslava Gissübelová

 

 

 

 

 

Le cheval de Kladruby - l'unique animal classé monument culturel protégé La République tchèque possède un monument baroque vivant tout à fait unique. Ce monument, c'est le cheval blanc de race espagnole baroque élevé au haras national de Kladruby. En 1995, le cheval a été inscrit sur la liste du patrimoine culturel protégé. Le haras de Kladruby détient encore une primauté - il est le plus ancien dans le monde en raison de sa continuité. Le haras national de Kladruby se trouve dans la petite ville du même nom sur l'Elbe, à 80 kilomètres à l'est de Prague. Un château Renaissance et une église entrent dans son complexe. Nous y sommes accueillis par l'adjoint du directeur du Haras national, Jiri Spejchlik, qui va nous raconter son histoire:

 

"Les premiers chevaux sont venus sur ces lieux en 1552. En retournant d'Espagne où il était pendant trois ans régent, l'empereur Maximilien II a ramené en Bohême des chevaux de race espagnole utilisés lors des cérémonies officielles. La nuit de Saint-Jean, les chevaux ont été relâchés, suivant un ancien rite, dans la réserve de chasse impériale. A l'origine, ce territoire a été recouvert d'une forêt de chênes. Les arbres ont été abattus, les fûts transportés par les eaux de l'Elbe jusqu'à Hambourg et, plus loin, à Amsterdam et Rotterdam. C'est sur les pilotis de Kladruby que ces deux villes ont été bâties, de même que le haras de Kladruby. Les chevaux étaient tenus en réserve jusqu'à 1579, où l'empereur Rodolphe II a créé ici le haras impérial."

 

 

 

Le vieux cheval de Kladruby est un cheval fort mais élégant destiné à tirer des carrosses cérémonielles. Ce carrossier de gala est la seule race née exclusivement à des fins de cérémonie de la cour. Il s'agit d'un cheval blanc ou moreau, d'origine napolitaino-espagnole, mesurant environ 180 cm au garrot et pesant près de 670 kg. La marche de ce cheval est cadencée, avec une grande action des membres, dite espagnole. Malgré sa grandeur, le cheval est très racé. Il est élevé à Kladruby sans interruption depuis 1579. Même après le déplacement de la cour impériale de Prague à Vienne, les Habsbourgs continuaient à élever leurs "chevaux d'attelage de l'Etat" à Kladruby. La victoire de Wellington sur Napoléon a influencé l'Europe au point que, après le congrès de Vienne, en 1815, la plupart des pays européens vont commencer à préférer les chevaux anglais. En Europe centrale cependant, les Habsbourgs restent fidèles à l'aspect majestueux des chevaux de Kladruby. Le haras est resté une propriété des Habsbourgs jusqu'à 1918, date de la fondation de la Tchécoslovaquie. Il a gardé sa mission sous le Président Masaryk et son successeur Benes. La Seconde Guerre mondiale s'est montrée clémente avec les chevaux de Kladruby. L'élevage a été conservé jusqu'en 1994, date qui marque un tournant. Le haras de Kladruby a remporté un appel d'offres de la reine du Danemark. Six étalons d'attelage de Kladruby ont été vendus à la reine Marguerite II, pour la conduire lors des célébrations du 25e anniversaire de son arrivée sur le trône. Le cheval de Kladruby a ainsi retrouvé sa mission originaire de grand carrossier de gala.

 

 

 

         La généalogie des chevaux de Kladruby représente aujourd'hui 19 à 20 générations décrites de cette race. Les prédécesseurs des moreaux de Kladruby proviennent du haras des comtes Sacramoso, à Vérone. La généalogie des blancs commence par l'étalon Pepoli né en Italie en 1764, et c'est depuis la naissance de son descendant, Generale, en 1787, que cette ligne blanche garde sa continuité jusqu'à présent. Aujourd'hui, on élève presque 700 chevaux à Kladruby et au haras de Slatinany voisin.

 

         Notre guide, l'adjoint du directeur du haras national de Kladruby, M. Spejchlik, nous conduit à l'intérieur du château Renaissance de Kladruby, remanié, au 18e siècle, en style baroque par Kilian Ignaz Dientzenhofer. Des salles sont aménagées en sorte qu'elles puissent accueillir des visites d'hommes d'Etat, de politiciens, de diplomates, d'hommes d'affaires, d'artistes... Dans la salle à manger sont conservés des meubles authentiques datant du séjour de l'empereur François-Joseph et sa charmante épouse, l'impératrice Elisabeth surnommé Sissy. Le haras cherche à restituer à l'Etat ce qu'il investit dans l'élevage qui, malgré les victoires aux compétitions et la vente de chevaux, ne peut être lucratif, si on veut maintenir le fonds de gènes, explique notre guide.

         La commission génétique et la banque de gènes du cheval de Kladruby sont passées, en 1992, sous la protection de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO.

Une renaissance du haras a commencé, nous l'avons dit, en 1994. La cour royale du Danemark s'est procurée six attelages de chevaux blancs. En 1994, le cheval de Kladruby a été exposé et vendu en Andalousie. Quatre siècles depuis son arrivée en Bohême, le vieux cheval de Kladruby a remis le pied sur la terre de ses prédécesseurs espagnols. En 1995, un attelage de l'Etat tchèque a tiré le carrosse de l'Infante Pilar de Borbon, soeur du roi d'Espagne et présidente de la Fédération hippique internationale, à l'occasion de la Foire mondiale Equitana. En 1996, le haras de Kladruby a accueilli deux grands amateurs de chevaux, le prince Philippe d'Angleterre, le duc d'Edinbourg, et le prince héritier de Jordanie, Hassan bin Talal bin Abdullah. Ont suivi des visites des princes Henrik et Joachim, époux et fils de la reine de Danemark. Les chevaux de Kladruby ont tiré le carrosse du couple royal espagnol, lors de sa récente visite en Tchéquie.

 

         En 1995, le haras national a été proclamé monument culturel classé et ce nouveau statut concerne aussi la race des chevaux qui y sont élevés. C'est pour la première fois que la race d'un animal domestique est considérée comme une oeuvre d'art vivante et le haras est visité comme une sorte de musée.

A l'heure actuelle, le haras national de Kladruby gère le registre national des données sur les chevaux de République tchèque. Il est le seul centre de recherche pour l'élevage de chevaux dans notre pays.

 

 

 

 

 

 


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