Article proposé par Figoli, paru le 05/05/2009 11:01:41
Rubrique : Culture générale, lu 7426 fois. 3 commentaires
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Les véhicules de lutte contre le feu


 

 

 


Texte :" Figoli"  

Tacite, Annales livre XV 

         « …Le feu vole et s’étend, ravageant les lieux bas, puis s’élançant sur les hauteurs, puis redescendant, si rapide que le mal devançait tous les remèdes et, favorisé d’ailleurs par les chemins étroits et tortueux, les rues sans alignement, de la Rome d’autrefois. »


         Ce grand incendie de Rome allait donner naissance  à une vraie politique de prévention contre le feu. Rome fut reconstruite sur de nouvelles bases, grâce aux normes éditées par l’empereur Auguste. La construction d’immeubles de plus de 20 mètres fut interdite. Les nouvelles constructions devaient respecter des intervalles avec les constructions précédentes. L’existence de réserves d’eau dans les appartements supérieurs des immeubles  fut une obligation.

         Mais sa grande action résida dans la création d’un service d’incendie. Un groupe de vigiles composé d’ « affranchis » assura la prévention contre l’incendie, la lutte contre le feu, mais également différentes actions de lutte contre les vols et délits.

Les 7 cohortes qui le composaient étaient organisées en différents corps de métiers. 
                    -Les aquaris chargés de surveiller le bon fonctionnement des points d’eau alimentés par l’immense réseau d’aqueduc
link(lien site maquette des aqueducs de Rome de A Caron) 
                    -Les cantonari chargés d’étouffer les flammes en début d’incendie  à l’aide de couvertures de laine imbibées d’eau. 
                    -Les emitularii qui  se servaient de matelas posés à terre pour sauver les personnes qui sautaient des immeubles en feu. 
                    -Les médecins au nombre de quatre par cohorte pour soigner les blessés. 
                    -…..

                    Il y avait un corps particulier, les « siphonarii » ou pompiers au sens étymologique du terme, chargé d’attaquer le feu à l’aide de pompes. Ces « pompes » étaient en fait d’énormes seringues que les grecs auraient inventées 300 ans avant JC.

Seringues en étain (plus tardives)

 

           Après la chute de l’empire,  l’organisation de la lutte contre le feu se désagrégea et il fallut attendre Clothaire en 595 pour retrouver une organisation de prévention des incendies. Elle consistait à la mise en place d’un système de vigiles, qui fut amélioré par Charlemagne, Louis le Jeune, St Louis ,… Le guet était assuré par les troupes du roi, « le guet royal », renforcé par le guet des corps de métiers »

         Les moyens de lutte, quant à eux, ne changeaient pas et étaient majoritairement représentés par : 
-crochets et haches pour Isoler le foyer en détruisant les constructions environnantes, et faire tomber au sol les parties endommagées.

 - seaux en cuir

- antique seringue maniée par 3 hommes pour éteindre les braises.

 

Cette seringue fut améliorée en 1578 avec un système mécanique animé par une manivelle.



Mais elle produisait toujours un jet discontinu d’amplitude limitée

         Vers 1650, l’Allemand Hans Hausch imagina la  première pompe à bras dotée d’une lance pivotante. Si elle améliorait la portée du jet d’eau, elle devait toujours être très proche du foyer. Beaucoup de ces machines finirent donc leur existence
dans les feux qu’elles étaient censées éteindre.
 

Voici une collection de pompes portables de ce type.


         C’est l’invention des tuyaux   en cuir par Van den Heyden, vers 1675, qui  rendit la pompe à bras plus opérationnelle. Pour régulariser le jet d’eau il adapta une cloche à air. C’est ce nouvel outil qui permit un véritable développement des moyens de lutte contre l’incendie.

 

 

         Ce dispositif ne fut construit en France qu’en 1699 par François du Mouriez du Perrier qui obtint le privilège exclusif de fabrication.

         Voici la pompe dite « des échevins » construite pour la ville de Rouen en 1721



         Sur cette pompe pouvaient être disposés les différents objets de lutte contre l’incendie comme l’échelle et les seaux.

 


Pompe caserne de Limoux

          Elle était utilisée de la façon suivante :

         Portée sur un charriot, tirée par deux hommes elle était amenée à une distance raisonnable du feu. Grâce à un palonnier (voir photo) cette équipe pouvait être doublée.



         Une fois en place on déchargeait la pompe du charriot. Elle pouvait encore être déplacée grâce  à deux patins. Pour ce faire, elle était munie de poignées et de chaines pour la traction. Un tamis d’osier était disposé sur le dessus pour éviter que des cailloux empêchent le fonctionnement de la pompe. IL ne  fallait pas moins d’une équipe de 20 pompiers pour : 

         -organiser l’alimentation en eau par une chaine de seaux (ils étaient aidés par les habitants pour construire cette chaine)

         -assurer le fonctionnement de la pompe elle-même.

         -positionner et actionner la lance.

Voici quelques exemplaires






        L’organisation des services d’incendie ainsi que les techniques de lutte (que nous ne développerons pas ici) seront fortement influencés par les évolutions techniques de cet outil. Créé à la fin du 17° il sera utilisé et amélioré jusqu’au début du 20°.

        Bien sûr, l’efficacité de cette avancée technique était liée à sa rapidité d’intervention sur le terrain et qui dit vitesse à l’époque dit….cheval bien évidemment. Le type de pompe que nous venons de décrire était donc équipé pour être tracté par des hommes mais pouvaient être mis en remorque sur une voiture à deux roues comme on le voit sur cette publicité. Vous verrez plus de détails du type de voiture sur cette photo beaucoup plus tardive ( pompe tractée par une voiture hippomobile de la société Metz en 1926)

 



Elle pouvait également être directement portée sur une voiture à deux roues, construite à cet effet.(Photos Musée Loire et Cher )

 


 
 En général elle était accompagnée d’une tonne à eau et de divers matériels d’attaque de l’incendie dont le dévidoir de tuyau


         Progressivement, ces matériels devinrent donc plus mobiles et donnèrent naissance à différents véhicules que nous allons vous présenter.
Pour développer la puissance des pompes, on agrandit leur volume ce qui nécessita l’utilisation d’une voiture à quatre roues assez basse, car, vu le poids, on ne pouvait plus décharger la pompe.



 Pompe musée Epinal
         Nous pouvons constater que ces voitures ont été restaurées sans utiliser la couleur rouge. En fait, jusqu’en 1885 ou elles devinrent rouges, les voitures étaient peintes en vert foncé et noir, couleurs réglementaires  du corps du génie.

 




         Hormis la recherche d’une puissance de jet de plus en plus importante, se posait la question de l’alimentation en eau. Une première solution fut apportée en 1845 en Allemagne par l’adjonction d’une pompe aspirante : l’hydrophore.

Hydrophore

         L’hydrophore, couplé à une pompe à bras classique, permettait d’aspirer de l’eau entre 4 et 5 m de profondeur et de projeter, à l’aide de cette pompe située à 37 m de distance, un jet de 24m de haut.

         Ces pompes à bras s’améliorèrent encore et obtinrent des performances impressionnantes. Ainsi en 1855, au salon international de Paris, un concours fut organisé entre la fabrique française Letestu et la fabrique allemande Metz. La pompe française produisit un jet de 37 m, mais la pompe allemande la dépassa de plusieurs mètres. Pour assommer son adversaire et légitimer la médaille d’or obtenue, Mr Metz mit en marche 2 lances sur la même pompe qui atteignirent la hauteur de 37 chacune.

         Plus tard fut créée la pompe « aspirante refoulante » Celle-ci, plus légère, permettait la création de véhicules d’intervention beaucoup plus opérationnels.



         Ces voitures pouvaient avoir un timon supplémentaire, pour la traction humaine car, l’intensité de l’incendie ou l’étroitesse des rues interdisaient souvent l’approche des chevaux


 

         Nous voyons sur ces photos (catalogue société Metz) que le même véhicule pouvait assurer plusieurs taches (ici pompe, porte échelle, dévidoir, transport des hommes)


Certaines taches demandaient des véhicules spécifiques. Une de celles-ci fut, bien sûr, la grande échelle.


Nous pouvons voir, ci-dessous, plusieurs modèles.

Cette photo montre la volonté des constructeurs de trouver la voiture la plus opérationnelle possible. Ainsi la dernière voiture de cette planche (d’un catalogue de 1912  de la société Metz) porte : 
- une échelle classique,
-deux coffres à outils servant de siège à six pompiers
-une échelle à treuil
-un dévidoir à tuyau installé à l’arrière

Toutes ces voitures composaient avec les pompes des unités d’interventions.Voici une équipe des pompiers de Paris prête à passer à l’action

 

         Le régiment est, en ce début du 20° siècle, équipé d’une centaine de voitures dont la traction repose sur une écurie de 200 percherons. Dans les remises des casernes, un dispositif supportant les harnais au dessus de chaque voiture, permet d’atteler les chevaux d’une manière quasi instantanée.

         Le sol est en légère pente pour faciliter le départ de ces lourds engins. Elles sont donc maintenues en place par des cales. C’est le fait d’enlever ces cales pour pouvoir partir qui a donné naissance à l’expression « décaler »encore utilisée de nos jours pour les départs en opération.

  Nous voyons qu’il y a sur cette photo un type de voiture dont nous n’avons pas parlé : «  la pompe à vapeur »


 

La première pompe à vapeur de lutte contre l’incendie a été imaginée par John Ericson et crée à Londres par les établissements Braithwaite. Elle fut utilisée avec efficacité dans le grand incendie de l’hiver 1830, et montra sa supériorité face aux pompes à bras, dont le gel empêchait le fonctionnement. Ce type de pompe ne fut utilisé en France qu’à partir de 1867. La  première fut une  « Meryweather », importée d’Amérique par la ville du Havre.

 

         En 1870, la première pompe française commandée par la ville de Bordeaux  fut réalisée par les établissements Thirion. Elle ne fut pas livrée à son destinataire car le gouverneur de Paris la réquisitionna pour faire face au soulèvement de la commune. 

         Les pompes d’origine étrangère étaient bien installées sur le marché français. Ainsi, « Le portefeuille économique des machines de l’outillage et du matériel » présentait deux types de ces pompes d’origine américaine dans son N° de Mars 1873 : Les pompes de marque Maryweather et Chain et Mason

 

Collection de  photos de pompes en action dans l’album Pompe-vapeur


         Les camions à vapeur pour transporter différents types de pompes furent créés dés 1830 mais utilisés que vers 1860. Trop lourds, ils n’ont pas détrôné la traction hippomobile.

Vu le coût des nouveaux camions automobiles, la traction humaine et hippomobile des matériels perdura assez longtemps. Des motopompes hippomobiles furent même utilisées jusque dans la, première partie du 20° siècle.

Motopompe à traction hippomobile (catalogue Metz 1919)

 

         Quant aux pompes à bras, elles furent utilisées dans certains villages reculés jusqu’à la moitié du XX siècle. Les rustiques pompes à bras furent souvent le seul moyen de défense contre l’incendie des petits villages isolés.

         Mais, bien sûr, il manque une voiture ; celle du commandant des pompiers  « The chief » dont voici un beau modèle américain.

 





Dernier souvenir d’une époque avant le déferlement de la traction automobile.

Texte et documentation Figoli: http://www.attelage-patrimoine.com/


  Commentaires
-bravo "figo" par JeanClaudeGrognet (05/05/2009 10:59:58)
cet article est une merveille !
-merci par Fauch (05/05/2009 21:37:59)
merci pour ce moment de plaisir. très très instructif.
-bravo par Jazzpote (06/05/2009 13:55:54)
Beau, intéressant, instructif.
Une véritable documentation
Un seul mot bravo