![]() | Article proposé par Renata, paru le 06/02/2012 07:45:00 Rubrique : Culture générale, lu 6833 fois. 6 commentaires |
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Froufrous, fanfreluches, affiquets et falbalas
On ne parle pas assez des difficultés de ces dames à concilier élégance et voyage en voiture, du temps des crinolines au milieu du 19ème siècle !
Alfred de prades
Crinolines, tournures et crinolettes, l’évolution de la mode à partir de 1830, part du jupon d’étoffe raide en crin qui s’ajoute à plusieurs autres jupons, à la cage de cerceaux métalliques (jusqu’à 1.80m de diamètre), pour revenir à une silhouette qui souligne « l’arrière main » par la tournure (autrement appelée faux-cul ou rembourrage) inventée par le C F Worth, le créateur de la haute couture.
Elizabeth d Autriche (Sissi), habillée par Worth portrait de Franz Xaver Winterhalter 1865
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Jeune femme traversant le boulevard Jean Beraud (1849-1936) (le cheval est sous le charme !) |
Somptueuse robe de bal à crinoline et coquette robe de jour à tournure
Venue du vertugadin (16-17ème) et du panier en forme (18ème), la crinoline ne sera utilisée que quelques années (1845 / 1869), inspirée par l’impératrice Eugénie en hommage à Marie-Antoinette.
Elle a l’avantage d’alléger le poids en tissus et de donner une impression de liberté.
Impression toute relative, les femmes « de la société » en ce temps là, sont corsetées et soumises à des codes vestimentaires drastiques, robes du matin, de dîner, de promenade, du soir, d’équitation, de deuil, de voyage, de campagne, d’intérieur, de sortie, d’excursion…..
Georgina Charlotte Theobald par Francis Calcraft Turner |
Impératrice Eugénie |
Belle aisance !
Dans l’industrieuse maison Thomson, quatre cents ouvrières fabriquent vingt sortes de cages dans seize tailles différentes, avec un nombre de cerceaux variant de quatre à quarante, pour produire douze à quinze mille crinolines par semaine et fournir l’Europe et l’Amérique.
Maison Thomson 1865
Livraison de crinolines 1854
La mode est impitoyable avec la contrainte des corsets qui coupent le souffle, les cages de crins, de baleines et d’acier qui forment ces corolles, certes gracieuses et charmantes, mais qui emprisonnent les femmes.
Elles acceptent ces carcans, dont on peut imaginer l’inconfort dans la vie quotidienne, pour « paraître », gommer leurs imperfections physiques et sculpter une silhouette flatteuse.
Il y a des inconvénients :
- les accrochages, l’inflammabilité
Accident de crinoline – dessin de Télory 1858
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Habilleuse pompière ! |
- l’obligation de s’asseoir au bord du siège (qui reste une marque de politesse)
L’omnibus (1880) - Maurice Delondre
- la pamoison, quand l’émotion est trop forte
Stagecoach Adventure, Bagshot Heath (1848) William Powell
- les difficultés à monter en voiture
André Frémont (détail) |
George Cruikshank – Traveling in France |
- ou d’en descendre
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Alfred de Prades
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- le risque de se salir
Catalogue Moseman’s
- ou d’accrocher le bas de la jupe
François Claudius Compte-Calix - le traîneau
Eugène Louis Lami
Il y a des jours ou rien ne va !
Honoré Daumier
« Des dames d’un demi monde, mais n’ayant pas de demi jupes », les caricaturistes s’en donnent à cœur joie.
George Cruikshank |
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William Heath
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Honoré Daumier
Y a-t-il des avantages ?
L’élégante apparence bien sûr, l’espace protégé, le territoire formé par les crinolines autour des femmes (près de 2 m² !) a probablement dicté un comportement et une gestuelle de courtoisie, l’aménagement des voitures (utilisées à l’origine par elles, les messieurs se déplacent à cheval) et pourquoi pas les dimensions de la caisse, comme la largeur des portes des « grandes maisons » et la superficie des salles de réception !
« …Nous sommes en 1859, la Comtesse Clémence de Villevroy se rend à un bal organisé par le Vicomte Philippe de la Chavenière. Debout en équilibre, les mains fermement agrippées aux anneaux de son étui à porteurs*, Clémence ménage ses vastes jupes, ses rubans et ses dentelles flottant autour de sa personne. Il n’est pas question d’arriver au bal avec une robe chiffonnée, froissée ou fripée. Elle a mis plusieurs heures pour enfiler : sa chemise en mousseline, son pantalon paré de dentelles, son corsage à taille ronde, sa parure superposant jupes de crinoline et robes très larges à volants (ces toilettes très volumineuses nécessitaient d’organiser les bals dans d’immenses salons afin de ne pas gêner ces élégantes dans leurs parades). Parée d’une coiffure, entremêlant tresses, rubans et perles, Clémence n’a pas oublié son chapeau de paille de riz très en vogue depuis quelque temps… »
* si quelqu’un sait ce qu’est un « étui à porteurs », merci de nous éclairer !
D’autres artistes exaltent la féminité sensuelle ou la pudeur bienséante.
Louis Icart
Une bonne action – Modes Parisiennes François Claudius Compte 1860
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Ladies entering their carriage in Belgrave Square Eugene-Louis Lami |
Jean Béraud
Ninette Butterworth
Batiste, popeline, organdi, chintz, brocard, lamé, dentelle, crêpe, de Chine ou georgette, mousseline, guipure, satin, shantung, soie, taffetas, velours, tous ces tissus froufroutent, bruissent et frémissent. Ils s’allient aux palettes de couleurs vives ou douces, se parent de bijoux, de colifichets, de frivolités et de suivez-moi-jeune-homme, très explicites !
Winterhalter -1855
Hommage à Eugénie entourée de ses demoiselles d’honneur, pour les robes de princesse qui font toujours rêver les petites filles !
:-:-:-:
ndlr : ajoutons à ces belles images de Rénata les parole de Frou-Frou (1898)
Chanson écrite par M. Montréal et Blondeau, musique de H. Chatau
La femme porte quelquefois
La culotte dans son ménage
Le fait est constaté je crois
Dans les liens du mariage
Mais quand elle va pédalant
En culotte comme un zouave
La chose me semble plus grave
Et je me dis en la voyant
{Refrain:}
Frou frou, frou frou par son jupon la femme
Frou frou, frou frou de l'homme trouble l'âme
Frou frou, frou frou certainement la femme
Séduit surtout par son gentil frou frou
La femme ayant l'air d'un garçon
Ne fut jamais très attrayante
C'est le frou frou de son jupon
Qui la rend surtout excitante
Lorsque l'homme entend ce frou frou
C'est étonnant tout ce qu'il ose
Soudain il voit la vie en rose
Il s'électrise, il devient fou
{Refrain}
En culotte me direz-vous
On est bien mieux à bicyclette
Mais moi je dis que sans frou frou
Une femme n'est pas complète
Lorsqu'on la voit retrousser
Son cotillon vous ensorcelle
Son frou frou
C'est comme un bruit d'aile
Qui passe et vient vous caresser