Article proposé par Heliosness, paru le 26/08/2016 08:39:57 Rubrique : Culture générale, lu 2391 fois. Un commentaire |
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LE TRESOR DE LA REINE AMELIA
Si Jean-Claude Grognet ne me l’avait pas si gentiment suggéré, je ne serais peut-être pas allée passer trois heures au nouveau Museu dos Coches de Lisbonne… ce faisant, ou plutôt ce ne faisant pas, j’aurais manqué la plus extraordinaire collection de carrosses royaux du monde ! Vous aussi d’ailleurs car je n’aurais rien eu d’intéressant à partager sur a.o. Alors, merci JCG et Messenger.
C’est la reine Amélie d’Orléans et Bragance, princesse de France, fille du Comte de Paris, épouse du roi Carlos Ier du Portugal qui décida de créer ce musée des carrosses royaux en 1905[1].
Elle choisit de consacrer le salon de l’ancien Manège Royal[2] (qui jouxte l’actuelle résidence du Président du Portugal) à l’exposition de 29 voitures de la Maison du Roi, dont trois des cinq carrosses de Triomphe (à thèmes) de l’ambassade envoyée par le roi Joao V au Pape Clément XI en 1716, ceux-là même qui avaient été exposés en leur qualité d’objet d’art en 1882 à l’Exposition rétrospective d’Art Ornemental de Lisbonne.
Ces trois carrosses sont des exemples uniques du baroque italien exécutés à Rome au tout début du XVIIIè siècle. Je vous laisse les admirer.
Le premier a pour thème ornemental la rencontre des océans atlantique et indien, voici l’entretoise située à l’arrière (Photo 1), sculpture sur bois dorée à l’or fin. Au centre se trouve Apollon, entouré des figures du printemps et de l’été ; à ses pieds, les Océans Atlantique et Indien sont représentés par deux vieillards qui se donnent la main symbolisant le passage du Cap de Bonne-Espérance.
Photo 1
Sur l’entretoise à l’avant (Photo 2), les figures de l’automne et de l’hiver soutiennent le siège du cocher. Vous l’apercevez en arrière-plan du second carrosse, celui dit du Couronnement de Lisbonne qui porte sur le train avant un adorable chérubin sur lequel semblent veiller les symboles de l’Héroïsme et de l’Immortalité.
Photo 2
La sculpture ornementale fixée sur le train arrière (Photo 3) représente Lisbonne, capitale de l’Empire, victorieuse dans la défense de la foi chrétienne, couronnée par la Renommée et flanquée par l’Abondance aux pieds de laquelle le croissant musulman est brisé par le dragon ailé, symbole de la Maison du Roi, devant deux figures anthropomorphiques de l’Afrique et de l’Asie.
Photo 3
Le troisième carrosse du Triomphe est, selon moi, le plus époustouflant, subjuguée que je fus par la sculpture équestre. Il s’agit du carrosse dans lequel l’Ambassadeur, Rodrigo Anes de Sa Menezes, Marquis de Fontes, fit son entrée solennelle auprès du Saint-Siège. (Photo 4)
Comme les autres, la caisse est ouverte « à la romaine » mais, au contraire des deux autres dont l’intérieur est garni de soie rouge, celle-ci l’est de toile d’or et le plancher intérieur est en marqueterie d’ivoire.
Sur le train avant, sont sculptées les figures de Silène, de Minerve et de l’Espérance. Sur le train arrière, on reconnaît Thétis, déesse de la navigation, qui dessine les routes maritimes sur un globe tandis que Triton émerge des eaux en tenant une boussole, et que Bellone, déesse de la guerre (Photo 5), arbore, conquérante, l’écu aux armes de l’ambassadeur. Un lion, symbole de la royauté, attaque l’infidèle. Un monstre marin, l’Adamastor, constitue la métaphore des dangers encourus par les Portugais.
Photo 4
Détail Bellone et le lion. Détail d’une roue avant du carrosse du couronnement de Lisbonne.
Photo 5 Photo 6
Il me semble que la caisse repose sur une poutre en bois dont l’élasticité faisait suspension et que celle-ci est assumée également par de larges lanières de cuir, les soupentes, réglables au moyen d’un cric. Je laisse le soin à plus compétent que moi de commenter les aspects techniques remarquables.
Comment faisaient-ils pour freiner ?
[1]
Sources Guide Musée National des carrosses, 2015 et étiquettes et panneaux à l’intérieur du Musée. [2] Actuellement, le musée s’est enrichi d’un nouvel espace juste en face, les anciens ateliers généraux de l’armée de Belém afin d’exposer la totalité des voitures qui datent du XVIè siècle pour les plus anciennes.