Article proposé par Arba, paru le 11/09/2007 15:48:02 Rubrique : Culture générale, lu 2370 fois. 4 commentaires |
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De qui est ce texte original?
nota: les fautes d'orthographe se trouvent dans la copie originale.
« Je naquit dans
une grande usine de chapeaus. Pendant plusieurs jours, je subit toutes sortes
de supplices: on me découpait, on me tendait, on me vernissait. Enfin un soir
je fus envoyé avec mes frères chez le plus grand chapellier de paris.
On me mit à la vitrine; j'étais un des plus beaux hauts de forme de l'attelage,
j'étais si brillant que les femmes qui passaient ne manquaient pas de se mirer
dans mon verni; j'étais si élégant qu'aucun gentleman distingué ne me voyait
sans avoir pour moi un regard de convoitise.
Je vivais dans un parfait repos en attendant le jour où j'allais faire mon
apparition dans le monde.
Un soir un homme
distingué entra dans le magasin. Le marchand plein de prévenances lui fit
admirer mes frères, puis il me montra plus longuement que les autres ;
n'étais-je pas le plus beau? Enfin le client me prit, me retourna, me contempla
et finalement m'acheta.
Il sortit de sa poche un portefeuiille si bien garni que le marchand me vendit
un prix double de mon vrai prix: car il avait pour maxime de ne jamais manquer
les occasions et... les billets de banque.
Le lendemain, j'eus un
brillant début. Mon propriétaire, un gentlemann des plus elegants, me coiffa
pour se rendre au cercle. Tous ses amis admirèrent mes huit reflets, ma forme
elegante et toutes mes vertus. Pendant plusieurs mois je menais ainsi une
existence exquise. Avec quel soin on me préservait de la poussière! Un fidèle
domestique spécialement chargé de la garde robe de monsieur avait pour moi des
prevenances flatteuses!
J'étais astiqué tous les soirs, réastiqué tous les matins.
Un soir j'appris que le
cocher allait se marier ; mon propriétaire qui voulait lui faire un cadeau me
donna; et à partir de ce jour j'abritais un nouveau crâne.
Mon existence changea légèrement d'abord : le premier jour je roulais trois
fois dans la boue et, o sort cruel, je ne fus même pas essuyé.
Animé du vertueux désir de la vengeance, je me retrècis si bien que le cocher
ne put plus me coiffer! Alors un jour il me prit sous le bras et me vendit sis
sous à un fripier ...
Apres avoir été nettoyé je fus de nouveau mis à la devanture, mais cette fois
ce fut negligemment pendu à une ficelle sale que je parus au public.
« Mathieu, approche...! tu as besoin d'un chapeau pour les fetes, eh bien! en
voilà un qui ferait bien ton affaire!... » Et Mathieu m'acheta, tandis que
Caroline, sa femme, s'extasiait devant ma splendeur. Je ne sortais que les
dimanches, et encore fallait-il que le ciel fut serein, car mon prix de deux
francs quarante cinq me valait une attention particulière.
Or un jour que Caroline
et Mathieu se promenaient sur le quai de la Seine, un furieux coup de vent
m'envoya avec les oiseaux. Après quelques secondes d'angoisse affreuse, je fus
depose sur le fleuve, et je voguai tranquille en compagnie des poissons qui
contemplaient avec effroi cet esquif d'un nouveau genre.
Je me sentis soudain
tire par un long baton et depose surle rivage. Là un vulgaire chiffonnier jeta
sur moi des mains avides et bientot je subis de nouveaux supplices dans une
chaumière sale, obscure, petite, qui n'était autre que le magasin du grand
fournisseur de leur majesté les rois d'Afrique.
De nouveau je fus
empaqueté: pendant plusieurs jours je voyageais ainsi, enveloppe de papier et
de carton; enfin un beau matin j'ouvris les yeux à la lumière et je vis avec
effroi devant moi des etres de couleur sombre dont la plus grande partie du
visage était occupée par les levres, et qui portaient pour tout vetement un
caleçon de bain demodé et des anneaux dans le nez et dans les oreilles.
Seul un de ces hommes
étranges assis sur une caisse de biscuits tenait dans sa main un sceptre fait
d'un plumeau déplumé, portait sur son dos une peau d'un lion que jadis il avait
tué avec une bravoure egale à son embonpoint.
Je fus respectueusement saisi par deux mains noires; j'eus un sursaut de
terreur et ne me rassurai que lorsque je vis qu'elles ne deteignaient pas; puis
je fus deposé sur le sommet de la masse noire qui formait le roi.
Et là je passe encore
des jours heureux. Quelquefois le soleil trop ardent a bien fait fondre mon
vernis, l'esprit pratique de mon maître m'a bien fait parfois remplir l'emploi
de casserole... mais je n'en vis pas moins ornant la tete du terrible Bam-Boum
le plus puissant prince du pays.
...
J'écris ces lignes sur le declin de mes jours; esperant qu'elles parviendront aux français, je leur dit que je suis dans un pays où jamais n 'arrivera la mode de se passer de couvre-chef, et qu'au contraire, quand je serai hors d'usage, j'espere bien etre venere à titre de relique pour avoir orné le crane de mon illustre possesseur Bam-Boum II roi du Niger. »