![]() | Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 17/08/2008 14:31:49 Rubrique : Culture générale, lu 4101 fois. 4 commentaires |
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Etonnant le dynamisme de l’attelage des années 1990 comme le témoigne ce numéro d’Achenbach consacré à la remise à l’honneur de la Journée des Drags de la Porte d’Auteuil.
On y retrouve des noms encore présents autour de nos concours d’attelage d’aujourd’hui : la championne Belge Mia Allo, Monsieur Andersen, Alain Ducharme déjà très actif qui est engagé maintenant pour la promotion des chevaux de trait, Patricia Sanville, aujourd’hui Mme Nijdam.
On ne peut former qu’un souhait, voir de nouveau des attelages défiler dans le Bois de Boulogne, ne serait ce qu’une seule journée dans l’année, avec pour seule obligation quelque soit l’équipage : « le bon goût »
JCG
L’Avenue Foch était le point de rendez vous et le départ pour l’hippodrome
1991 : 26 attelages sur l’Hippodrome d’Auteuil à Paris
Historique
1883, le Prince de Sagan, fondateur de l’Hippodrome d’Auteuil, créait le célèbre Défilé des Drags. Ce cortège, composé de mail-coaches se dirigeait de la place de la Concorde à Auteuil en remontant les Champs-Elysées. Personnalités et femmes élégantes vêtues des modèles d’été des grands couturiers étaient ainsi transportées jusqu’à l’Hippodrome d’Auteuil, pour assister aux courses. Ce véritable spectacle, par sa beauté, connaissait un grand succès. Cette tradition se perpétua jusqu’en 1967, malgré une interruption provoquée par la 2e guerre mondiale.
En 1985, la Mairie du XVI ème arrondissement et la Société des Steeple-Chases de France ont repris cette manifestation en l’adaptant à notre époque et en lui conservant tout son éclat parisien.
Un peloton important en provenance de
trois nations
L’Avenue Foch au centre de Paris, l’une des routes qui
rayonnent de l’Arc de Triomphe, servait de lieu de rassemblement aux participants
pour harnacher et atteler leurs chevaux. Les premiers attelages de France,
d’Allemagne et de Belgique arrivèrent très tôt, guidés jusqu’à leur place par
les écriteaux placés le long de la route. Avec enthousiasme et zèle les chevaux
et les voitures furent nettoyés, astiqués pour le défilé prévue entre le
centre-ville et l’hippodrome.
Une certaine nervosité se fit sentir à cause du retard
de la famille Allo de Belgique, qui manquait encore peu avant le moment du
départ. «Nous avons eu de la chance ce matin quand, sur le boulevard extérieur
de Bruxelles, une remorque s’arracha et me dépassa littéralement. Dieu soit
loué, elle s’arrêta sur la bande verte sans dommages pour les chevaux! Ensuite,
il a fallu dépanner la voiture et la remorque», me raconta Monsieur Allo à son
arrivée.
Mia Allo, sa fille, et lui-même participèrent au Défilé,
tous deux avec de grandes ambitions quant à un bon placement au «Concours Sport
et Elégance» qui devait avoir lieu sur l’hippodrome.
Du petit attelage à trois poneys, en passant par
l’attelage à un, deux, l’arbalète et jusqu’au grand Park Drag, tous les
attelages étaient prêts à 13h30 pour le défilé à travers le 16e arrondissement en
direction d’Auteuil. Des invités, des personnalités des milieux artistiques,
littéraires, journalistiques, des affaires et de la mode avaient pris place sur
les voitures en tant que passagers.
Le concours «Sport et Elégance»
Alain Ducharme, le responsable de
l’organisation de ce défilé, avait le déroulement bien en main du point de vue
temps. En collaboration avec ses aides, il conduisit les équipages jusqu’à
l’hippodrome. A 15 heures, entre les deux courses principales de ce dimanche
après-midi, — le «Prix Revenge» et le «Grand Steeple-Chase de Paris» sur 5800 m — eu lieu la grande entrée en scène des attelages — qui défilèrent au trot léger sur toute la
longueur de la tribune principale. Depuis les tribunes combles
— on parla de 35.OOO spectateurs — un tonnerre d’applaudissements salua les 26
équipages présents.
Dignes d’être vus, même si le style de mode ne
correspondait pas toujours à l’attelage, les charmants mannequins des meilleurs
maisons de mode parisiennes (Christian Dior, Nina Ricci, Olivier Lapidus,
Frédéric Castet, Montana, Carven et Christophe Thouet) qui étaient répartis sur
tous les véhicules et présentaient les derniers modèles de l’été. De grands
chapeaux, des robes d’été légères et courtes dans toutes les couleurs et
étoffes exotiques possibles firent de ce 7ème Défilé des Drags un intermède
exclusif.
Jugement
Bien sûr cela ne se limita pas au défilé devant les
tribunes principales. Après l’intermède, les attelages se rassemblèrent sur la
«Pelouse B» de la piste intérieure où ils voulaient encore être jugés par
le jury «expert». Une note était donnée par un Jury «Elégance», composé de
personnages importants de la politique et de la société (Mme Taittinger,
Baronne Vignial, Princesse de Polignac, M. Bergeron, M. Desjardins, Macha
Meryl, Mme Cassan de Valry ). Les points étaient distribués selon le plaisir,
c’est-à-dire les mannequins et une apparence d’ensemble particulière de
l’attelage jouait un rôle important.
Les juges étaient
instruits par Alain Ducharme (au centre) et les équipages avec les «
mannequins passagers » attendent leur tour pour être jugés.
Le Jury «Technique» était composé de deux groupes de juges du monde
des chevaux et d’attelage: Mme Bour (F) et Eric Andersen (B) ainsi que Mme P.
Sanville (F) et Karl Iseli (Suisse). Ceux-ci devaient apprécier les attelages
en raison de leur originalité, de l’harmonie des chevaux, des harnais, des
véhicules et des tenues. Les mannequins qui se trouvaient encore sur les
voitures attirèrent bien sûr l’attention mais pour la notation leur présence
était plutôt gênante parce que le ou les grooms avaient dû abandonner en partie
leur place «à la mode de Paris».
La seule critique que je voudrais formuler ici à l’adresse de
l’organisateur est que puisque deux jurys techniques étaient à disposition,
tous les attelages auraient dû se présenter devant les deux groupes de juges.
Mais pour des raisons qui me paraissent illogiques et me sont inconnues, les
participants furent divisés en deux groupes et chaque Jury n’en jugea que la
moitié.
Le résultat du Jury Technique compta double et fut ajouté aux notes du Jury d’Elégance.
Les deux groupes d’attelages, qui avaient été jugés séparément par les deux jurys différents, furent finalement de nouveau mélangés, ce qui donna une image un peu faussée dans l’attribution des prix.
J’avais aussi l’impression qu’un peu de «politique»
était peut-être en jeu. Depuis de nombreuses années déjà, les Français ont de
la peine à s’imposer face aux Belges. On sait que la «petite» Belgique est une
citadelle en ce qui concerne la culture de l’attelage. Des personnages tels que
le baron Casier, Willi Allo, Eric Andersen et d’autres sont mondialement connus
pour leur savoir et leurs collections privées de voitures à chevaux et de
harnais. Très vite de tels spécialistes donnent leur empreinte au monde de
l’attelage du pays en question.
Certes, en France, il existe quelques bonnes
collections privées de voitures à chevaux et d’excellents spécialistes en
matière de tradition de l’attelage mais ceux-ci ne sont pas mélangés aux
meneurs actifs. C’est pour cette raison que les attelages belges impressionnent
par une présentation parfaite, alors qu’il manque aux Français, qui
investissent autant de temps et d’enthousiasme, encore un peu de savoir et de
culture des voitures et des tenues, peut-être aussi un peu de persévérance pour
atteindre la perfection. L’écart de points n’était pas considérable mais on ne
put empêcher les attelages belges de remporter une fois de plus la victoire.
Avant les dernières courses de ce jour sur l’hippodrome
d’Auteuil, on honora tous les attelages de prix et de cocardes offerts par les
maisons de mode et de parfum. Les attelages quittèrent ensuite la piste
intérieure de l’hippodrome en direction de la ville. Au grand trot, accompagnés
par la police, ils entreprirent le voyage de retour vers ‘Avenue Foch.
Sous une pluie légère les prix ont été remis par les représentants de la haute couture et des parfums de luxe
Toute la journée jusqu’au dernier moment de la
distribution des prix, quand quelques nuages se déchargèrent, la météo avait
joué le jeu. Ceci me rappela assez brusquement la réalité d’un concours
d’attelage normal et pour un peu de temps l’impression exotique «d’Elégance»
fut reléguée au second plan. Au retour cependant, le soleil riait de nouveau,
de même que les participants car il ne s’agit pas ici seulement de victoire ou
de défaite mais plutôt de faire découvrir à un large public un peu de tradition
et de plaisir de l’attelage.
Photos et texte : K. Iseli