Article proposé par , paru le 06/06/2009 11:14:07
Rubrique : Culture générale, lu 6412 fois. 2 commentaires
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Les attelages de Gascogne


 

         La Gascogne a été riche d'attelages de toutes natures. Voici ma mère, Annie à l'âge de 4 ans prise sur la plage du quartier Du Moulleau à Arcachon l'été 1918. Vous admirerez le drapeau français bien en évidence. Loin du front mais ... patriote !  

 

         Au début du 20ème siècle Paulette élevait des chèvres dans la forêt (aujourd'hui disparue car lotie) du quartier Saint Ferdinand à Arcachon. Pour livrer leur lait aux habitants du quartier elle utilisait cette carriole attelée à un mouton.

 

 

 

Les kas

 

         Depuis l’antiquité les landes de Gascogne ont été sillonnées par des chars à bœufs sur des chemins sablonneux rectilignes au milieu de la lande désolée, creusés d’ornières profondes et souvent inondés en hiver. Ils servaient à transporter les marchandises de toutes sortes et éventuellement des passagers. C’étaient les camions, les autobus, pour ne pas dire les trains, de l’époque.

 

         En patois landais ces chariots étaient dénommés « kas » (prononcez « casse »). Le ka était une carriole à 4 larges roues cerclées de fer et de grand diamètre, au point que les roues avant et arrière se touchaient presque. Particularité : Les roues avant n’étaient pas directionnelles. Les voies romaines durent s’y adapter et, d’une largeur moyenne de 20 mètres, elles étaient élargies à plus de 25 mètres dans les rares courbes. Les kas existaient donc déjà avant la conquête de la Gaule par les armées de Jules César un demi-siècle av JC. Ils ont continué à être utilisés jusqu’à la fin du 19ème siècle. Belle longévité !

 

         Les kas étaient tractés par une paire de bœufs, de grands bœufs qui faisaient la fortune (relative !) de leur propriétaire. Ils étaient choyés, vivant sous le même toit que le bouvier et sa famille. Une simple ouverture, l’« œillère », séparait leur étable du logis familial (il ne fallait pas avoir l’odorat sensible car c’était en général une pièce unique où l’on faisait les repas dans la cheminée, mangeait et dormait !). On les nourrissait, à la main, du meilleur fourrage mêlé de son.

 

 

 

 

         Lorsqu’ils devaient voyager pendant plusieurs jours, les kas se déplaçaient en convois. Les bouviers pouvaient ainsi se prêter assistance en cas de besoin, enlisement, attaque de brigands ou … de loups (disparus officiellement au milieu du 19ème siècle, mais …). Le soir, les convois s’arrêtaient pour la nuit sur des sortes « d’aires d’autoroute » de l’époque, souvent une dune, basse mais « hors d’eau », près d’un ruisseau car il fallait bien faire boire les bœufs. On formait un cercle avec les chariots et l’on mettait les bœufs dans cet enclos improvisé. Les bouviers dormaient sous leur ka. Les émigrants de la conquête de l’ouest américain avec leurs chariots bâchés n’ont rien inventé !

 

 

 

 

C'était sans doute le départ pour la messe ou pour un mariage. Le bâtiment derrière est un(e) "borde", une bergerie au toit de chaume. Car on parquait les moutons la nuit pour les protéger des loups.

 

 

          

 

         A partir du milieu du 19ème siècle les bœufs ont été progressivement remplacés par des mules, plus rapides que les bœufs. Les bouviers sont devenus des muletiers.

 

 

 

 

Les « bros »

 

         Les « bros » étaient des charrettes anciennes des landes de Gascogne, des carrioles à deux grandes et larges roues cerclées de fer tirées par une paire de bœufs ou de mules invariablement dénommés Jouan (prononcez Jouane) à gauche et Martin (prononcez Martine) à droite. Le « volant » était simple. Pour tourner à droite on criait « Martin’ » et pour tourner à gauche « Jouan’ » ! Quand un Martin ou un Jouan prenait sa retraite, il était remplacé par un autre Martin ou un autre Jouan.

 

         Ces chariots servaient au transport des marchandises sur les chemins de la région, sablonneux en été et certains inondés en hiver. Ils étaient aussi un moyen de transport pour les habitants (les villages de la région sont distants de 10 km en moyenne). Les bros passaient partout. Des véhicules « tous terrains ».

 

         L’été ils étaient découverts. L’hiver ils avaient un toit de toile tendu sur une armature en bois. On ne peut s’empêcher, à voir les quelques photos que nous en avons, de les comparer aux chariots bâchés de la conquête de l’ouest. Il faut dire que les landes de Gascogne autrefois, c’était un peu le far-west !

 

         Ils étaient aussi une mesure de volume. On achetait ou vendait 1 bro ou tant de bros. C’était sans doute assez aléatoire, mais c’est comme quand, aujourd’hui, vous achetez un stère de bois pour votre cheminée.

 

         A la fin du 19ème siècle, les bros ont été reconvertis en véhicules de loisirs pour promener les adeptes de nature dans la forêt ou sur les plages océanes d’Aquitaine. On les a appelés alors des « voitures à sable », attelés à 1 ou 2 chevaux, en général des poneys landais ou des lédons.

 

         Xavier Hessel

 

 

 

        

 

 

 


  Commentaires
-Très bien pour cette parution ! par 2guides (06/06/2009 11:12:54)
Très bien pour cette parution qui est bien dépassée , mais en réalité qui n' est pas si lointaine ! Des informations vraies pour nos jeunes .
A réitérer souvent
-oui par JeanClaudeGrognet (06/06/2009 12:04:10)
Bonne idée que cette "rétro régionale" . Avis aux amateurs d'autres régions, on est preneur pour ouvrir un Dossier "les attelages d'antan"